CAFE DU CENTRE
Au début de ce siècle, Neuilly ne comptait pas moins de quatres cafés : Café de la gare, Café du pont, Café de la place, et enfin Café du centre où je suis né en 1895.
Avant d'être le Café du centre, les bâtiments du Café étaient la petite ferme de l'Eugène Perreaux.
Au début de ce siècle, Neuilly ne comptait pas moins de quatres cafés : Café de la gare, Café du pont, Café de la place, et enfin Café du centre où je suis né en 1895.
Avant d'être le Café du centre, les bâtiments du Café étaient la petite ferme de l'Eugène Perreaux.
Mes parents les louaient et les avaient transformés en café et habitation (d1 salle e café,1 cuisine, 2 chambres, des hébergeages) --- Eugène Perreaux était parti s'établir comme agriculteur à Quetigny.
Ma mère tenait le café et mon père était maçon. Nous tenions aussi un petit dépôt de pain, pain d'un boulanger dijonnais du quartier Condorcet que nous apportait, chaque matin, en revenant de sa tournée, le laitier M.Grivelet.
Mes parents tinrent ce café jusque dans les années 1920.La salle de café comportait deux fenêtres qui donnaient l'une sur la cour, l'autre sur la rue. La troisième fenêtre avait été transformée en placard.
Le sol était couvert de tommettes. Les murs étaient tapissés de papiers à fleurs et décorés de deux cadres, représentant peut-être des fleurs ou une tête de gosse.
Les verres et les bouteilles de vin, liqueurs,apéritifs...étaient rangées dans un placard.
Une lampe à pétrole semblade à une lampe à suspension, mais fixe, pendait au plafond (lequel était en plâtre) .
Pas de comptoir. Au milieu de la pièce, un poêle à charbon émaillé, carré. IL en partait un tuyau noir qui rejoignait un conduit de cheminée mais il n'y avait plus d'âtre dans la pièce.
Les verres et les bouteilles de vin, liqueurs,apéritifs...étaient rangées dans un placard.
Une lampe à pétrole semblade à une lampe à suspension, mais fixe, pendait au plafond (lequel était en plâtre) .
Pas de comptoir. Au milieu de la pièce, un poêle à charbon émaillé, carré. IL en partait un tuyau noir qui rejoignait un conduit de cheminée mais il n'y avait plus d'âtre dans la pièce.
Les consommateurs s'asseyaient autour des petites tables ou à une grande table, cette dernière servant aussi pour des banquets.
Sur les tables, pas de toile cirée mais des cendriers et le « Bien du Peuple », journal du Chanoine Belorgey qui sera plus tard le journal du Chanoine Kir.
Sur les tables, pas de toile cirée mais des cendriers et le « Bien du Peuple », journal du Chanoine Belorgey qui sera plus tard le journal du Chanoine Kir.
Au fond de la salle se trouvait un billard anglais, oeuvre de mon oncle qui était charron aux Mureaux près de Paris. Il avait fait son apprentissage à Dijon.
Après son tour de France, il s'était établi aux Mureaux. Il l'avait fait venir de là-bas.
Nous avions aussi un phonographe à grand pavillon. Il ne jouait pas fort. Sur la boîte, le chien de Marconi écoutait la voix de son maître.
Ma mère lavait les tables avec une éponge naturelle et un chiffon. Elle rinçait les verres au « lavier » avec une « drille à échauder ». Elle tirait l'eau dehors, à la pompe.
Par beau temps, nous sortions le jeu rond. C'était un petit circuit avec en son milieu 9 quillettes en bois. Les joueurs lançaient la boule qui en descendant devait en faire tomber le plus grand nombre.
Nous avions aussi un jeu de quilles.
Un autre de mes oncles était cuisinier sur un bateau. Il me ramena de Madagascar un macaque.
Pour empêcher le singe de se sauver, on l'attachait à une corde qui le retenait à la ceinture. Cette corde était longue. Il pouvait se promener. Il se perchait sur le champ de la porte d'entrée.
Un jour que notre voisine, Edith Cornemillot, âgée de 7 ans, nous apportait du lait et des oeufs, le singe lui a sauté sur les épaules. Elle lâcha le panier. Tout est tombé par terre.
Dans le village voisin, Sennecey, se trouvait un fort que gardaient en permanence deux compagnies du 10 ème d'Infanterie.
Ces soldats faisaient presque partie de Neuilly. Une fois par semaine, ils descendaient à l'Ouche pour laver leur linge. Le soir, Comme Sennecey n'avait pas de café, ils venaient à Neuilly. Ils avaient la permission de 17 h à 21h.
Chez nous, ils fumaient, ils buvaient une chopine à 5 sous le litre. Ils étaient nombreux. Ceux qui avaient de l'argent commandaient une omelette. Nous mettions une feuillette de vin en perce le soir;
le lendemain elle était bue!
Les soldats comptaient les jours. Ils taillaient des quilles en bois et les accrochaient à leur veste (mais les ôtaient avant d'entrer au fort). Ils « cassaient la patte au 100 ». Cela donnait lieu à des arrosages.
Tous les matins, il en venait quatre pour chercher de l'eau. En effet, le fort n'avait pas l'eau.
Ils venaient avec tonne en tôle montée sur un chassis tiré par un cheval.
D'ou venait le cheval ? Sans doute de Dijon car le fort n'avait pas de chevaux. C'était un cheval de cavalerie.
Autour de la pompe les soldats en treillis blanc et coiffés d'un calot s'affairaient. Ils appuyaient sur la pompe. Ils remplissaient des outres, se haussaient pour les vider dans le trou de la tonne. Ils avaient du mal. L'eau se répandait. Cet endroit du trottoir en était devenu impraticable. Ils avaient beau le renforcer avec des pierres, il était toujours « gaugé ».
Quand la tonne était pleine enfin, ils mettaient en branle l'attelage. Pour aider le cheval à monter l'allée des Marronniers, ils attelaient devant les brancards un deuxième cheval. De nouvelles difficultés apparaissaient car les chevaux n'étaient pas faits pour la traction. Ils ruaient, cassaient la voiture et finalement s'emballaient, laissant la tonne et les débris de la voiture par terre.
Un liquoriste dijonnais nous livrait une fois par semaine en liqueur, limonade, sirop et bière.
Il livrait la bière en fûts de 40 litres. Nous descendions les fûts dans la cave. Nous les roulions un à un , marche par marche, à deux, celui placé en haut retenant le fût par une corde. Nous mettions le fût en perce comme un tonneau de vin et nous remplissions des bouteilles de 75 cl. Il fallait faire bouillir les bouchons, boucher les bouteilles et les coucher. Huit jours plus tard, nous les relevions. Elles étaient bonnes à boire. Il fallait les boire dans les 15 jours. Quand elles étaient bues, nous les lavions et le cycle recommençait.
Les soldats ne buvaient pas de bière, mais seulement du vin. C'est plutôt les paysans qui en buvaient, essentiellement en été, pour se rafraichir.
Nous allions plusieurs fois par an avec mon père chercher le vin chez un vigneron de Chenôve, M.Gallois.
M.Lévêque, un voisin, nous prêtait son cheval et son chariot. Nous remontions un dizaine de feuillettes de la cave, que nous attachions sur le chariot.
Nous partions le matin. Nous passions par la Rente de Bray, nous traversions Longvic, et nous ressortions du village de l'autre côté par le pont du canal. Nous allions ensuite à travers champs.
Monsieur Gallois restait dans la rue principale de Chenôve, près de l'église, rue remarquable par ses puits profonds.
Mme Gallois était de Sennecey. Voilà sans doute pourquoi mes parents achetait le vin chez eux. C'était des relations.
M.Gallois nous faisait d'abord taster son vin. Il savait le rendre bon en posant sur la table des noix, du fromage et du pain que nous mangions pendant la dégustation. Nous remplissions ensuite les dix feuillettes de 118 litre de vin rouge et nous les chargions sur le chariot. Cela prenait le matin et le tantôt.
A midi, entre-temps, nous mangions chez M.Gallois.
En 1910 j'avais 15 ans, je courtissait la fille de M.Gallois...
Nous rentrions en fin de tantôt.
Entre Chenôve et Dijon, ce n'était que des vignes. Les vignerons avaient construit , là, des cabanes en bois ou en pierre dans lesquelles il rangeaient leurs outils et se mettaient à la cale quand il pleuvait.
À des chéneaux, ils récupéraient l'eau de pluie qui tombait sur le toit et la stockaient dans des citernes. Cette eau leur servait à injecter la vigne sans qu'ils aient à apporter l'eau depuis le village.
Plus tard le fils de M. Gallois fit son service militaire à Sennecey. Le service militaire durait alors 3 ans. Il obtint le grade de sergent. Il venait au Café du Centre, amenait des clients, commandait une omelette. Pendant la Guerre de 14, il devint lieutenent.
Après la guerre, il se maria avec une fille Changeney de Chenôve.
Le Café du Centre était un café tranquille. Les clients s'asseyaient, buvaient, jouaient aux cartes.
Quelquefois un client chantait le Toréador ou autre chose.
J'y ai vu Gaston Gérard et Hébert en campagne électorale. Ils étaient venus s'adresser aux consommateurs.
Neuilly-lès- Dijon : le café du Centre. A gauche, le jeu rond.
Fernand Caillot à moitié caché par l'arbuste à gauche (béret).
A côté de l'arbuste de droite, portant casquette, Alphonse Aillet dit lePhonse. Au milieu, Mme Caillot, mère de Fernand.
Au fond, en uniforme, M. Caillot père. A gauche, servant à boire, une tante de Fernand Caillot.
Article extrait du livre " A Neuilly-lès-Dijon en 1900 " de Fernand Caillot et Michel Manca
Après son tour de France, il s'était établi aux Mureaux. Il l'avait fait venir de là-bas.
Nous avions aussi un phonographe à grand pavillon. Il ne jouait pas fort. Sur la boîte, le chien de Marconi écoutait la voix de son maître.
Ma mère lavait les tables avec une éponge naturelle et un chiffon. Elle rinçait les verres au « lavier » avec une « drille à échauder ». Elle tirait l'eau dehors, à la pompe.
Par beau temps, nous sortions le jeu rond. C'était un petit circuit avec en son milieu 9 quillettes en bois. Les joueurs lançaient la boule qui en descendant devait en faire tomber le plus grand nombre.
Nous avions aussi un jeu de quilles.
Un autre de mes oncles était cuisinier sur un bateau. Il me ramena de Madagascar un macaque.
Pour empêcher le singe de se sauver, on l'attachait à une corde qui le retenait à la ceinture. Cette corde était longue. Il pouvait se promener. Il se perchait sur le champ de la porte d'entrée.
Un jour que notre voisine, Edith Cornemillot, âgée de 7 ans, nous apportait du lait et des oeufs, le singe lui a sauté sur les épaules. Elle lâcha le panier. Tout est tombé par terre.
Dans le village voisin, Sennecey, se trouvait un fort que gardaient en permanence deux compagnies du 10 ème d'Infanterie.
Ces soldats faisaient presque partie de Neuilly. Une fois par semaine, ils descendaient à l'Ouche pour laver leur linge. Le soir, Comme Sennecey n'avait pas de café, ils venaient à Neuilly. Ils avaient la permission de 17 h à 21h.
Chez nous, ils fumaient, ils buvaient une chopine à 5 sous le litre. Ils étaient nombreux. Ceux qui avaient de l'argent commandaient une omelette. Nous mettions une feuillette de vin en perce le soir;
le lendemain elle était bue!
Les soldats comptaient les jours. Ils taillaient des quilles en bois et les accrochaient à leur veste (mais les ôtaient avant d'entrer au fort). Ils « cassaient la patte au 100 ». Cela donnait lieu à des arrosages.
Tous les matins, il en venait quatre pour chercher de l'eau. En effet, le fort n'avait pas l'eau.
Ils venaient avec tonne en tôle montée sur un chassis tiré par un cheval.
D'ou venait le cheval ? Sans doute de Dijon car le fort n'avait pas de chevaux. C'était un cheval de cavalerie.
Autour de la pompe les soldats en treillis blanc et coiffés d'un calot s'affairaient. Ils appuyaient sur la pompe. Ils remplissaient des outres, se haussaient pour les vider dans le trou de la tonne. Ils avaient du mal. L'eau se répandait. Cet endroit du trottoir en était devenu impraticable. Ils avaient beau le renforcer avec des pierres, il était toujours « gaugé ».
Quand la tonne était pleine enfin, ils mettaient en branle l'attelage. Pour aider le cheval à monter l'allée des Marronniers, ils attelaient devant les brancards un deuxième cheval. De nouvelles difficultés apparaissaient car les chevaux n'étaient pas faits pour la traction. Ils ruaient, cassaient la voiture et finalement s'emballaient, laissant la tonne et les débris de la voiture par terre.
Un liquoriste dijonnais nous livrait une fois par semaine en liqueur, limonade, sirop et bière.
Il livrait la bière en fûts de 40 litres. Nous descendions les fûts dans la cave. Nous les roulions un à un , marche par marche, à deux, celui placé en haut retenant le fût par une corde. Nous mettions le fût en perce comme un tonneau de vin et nous remplissions des bouteilles de 75 cl. Il fallait faire bouillir les bouchons, boucher les bouteilles et les coucher. Huit jours plus tard, nous les relevions. Elles étaient bonnes à boire. Il fallait les boire dans les 15 jours. Quand elles étaient bues, nous les lavions et le cycle recommençait.
Les soldats ne buvaient pas de bière, mais seulement du vin. C'est plutôt les paysans qui en buvaient, essentiellement en été, pour se rafraichir.
Nous allions plusieurs fois par an avec mon père chercher le vin chez un vigneron de Chenôve, M.Gallois.
M.Lévêque, un voisin, nous prêtait son cheval et son chariot. Nous remontions un dizaine de feuillettes de la cave, que nous attachions sur le chariot.
Nous partions le matin. Nous passions par la Rente de Bray, nous traversions Longvic, et nous ressortions du village de l'autre côté par le pont du canal. Nous allions ensuite à travers champs.
Monsieur Gallois restait dans la rue principale de Chenôve, près de l'église, rue remarquable par ses puits profonds.
Mme Gallois était de Sennecey. Voilà sans doute pourquoi mes parents achetait le vin chez eux. C'était des relations.
M.Gallois nous faisait d'abord taster son vin. Il savait le rendre bon en posant sur la table des noix, du fromage et du pain que nous mangions pendant la dégustation. Nous remplissions ensuite les dix feuillettes de 118 litre de vin rouge et nous les chargions sur le chariot. Cela prenait le matin et le tantôt.
A midi, entre-temps, nous mangions chez M.Gallois.
En 1910 j'avais 15 ans, je courtissait la fille de M.Gallois...
Nous rentrions en fin de tantôt.
Entre Chenôve et Dijon, ce n'était que des vignes. Les vignerons avaient construit , là, des cabanes en bois ou en pierre dans lesquelles il rangeaient leurs outils et se mettaient à la cale quand il pleuvait.
À des chéneaux, ils récupéraient l'eau de pluie qui tombait sur le toit et la stockaient dans des citernes. Cette eau leur servait à injecter la vigne sans qu'ils aient à apporter l'eau depuis le village.
Plus tard le fils de M. Gallois fit son service militaire à Sennecey. Le service militaire durait alors 3 ans. Il obtint le grade de sergent. Il venait au Café du Centre, amenait des clients, commandait une omelette. Pendant la Guerre de 14, il devint lieutenent.
Après la guerre, il se maria avec une fille Changeney de Chenôve.
Le Café du Centre était un café tranquille. Les clients s'asseyaient, buvaient, jouaient aux cartes.
Quelquefois un client chantait le Toréador ou autre chose.
J'y ai vu Gaston Gérard et Hébert en campagne électorale. Ils étaient venus s'adresser aux consommateurs.
Neuilly-lès- Dijon : le café du Centre. A gauche, le jeu rond.
Fernand Caillot à moitié caché par l'arbuste à gauche (béret).
A côté de l'arbuste de droite, portant casquette, Alphonse Aillet dit lePhonse. Au milieu, Mme Caillot, mère de Fernand.
Au fond, en uniforme, M. Caillot père. A gauche, servant à boire, une tante de Fernand Caillot.
Article extrait du livre " A Neuilly-lès-Dijon en 1900 " de Fernand Caillot et Michel Manca
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