lundi 2 juin 2008

Le Chateau




L'HORLOGE, LES SERRES, L' ORANGERIE DU CHÄTEAU.


LE CHÄTEAU: LE PERRON, LE SALON VITRE



Neuilly-les- Dijon, entrée du château

Le château
En 1970, le château de neuilly a été démoli. On a construit à sa place un lotissement.
Du château et de son parc, il reste quelques arbres, les écuries et des bouts de mur de parc.
En 1900, l'allée des Marroniers était plantée de sapins et s'appelait Allée de Neuilly. Elle traversait comme aujourd'hui la place de la Liberté et venait au portail du château.
Un visiteur arrivait : il sonnait à la cloche du portail.
Le concierge sortait de la loge et ouvrait la grille.
Quand le visiteur était entré, le concierge sonnait à son tour pour annoncer la visite aux châtelains.
Le visiteur suivait son chemain qui le menait au château.
Ce chemin était fait d'aiguilles, c'est-à-dire de graviers mi-gros tirés de l'Ouche.
Dans le temps, les manouvriers ne manquaient pas pour tirer du sable de l'Ouche et pour le cribler.
Tout le monde pouvait se faire manouvrier. Les manouvriers changeaient le gravier dans un tombereau et l'apportaient au château.
Le château appartenait au Vicomte Henry Legouz de Saint-Seine que nous appelions le Comte de Saint-Seine.
Peu de gens y étaient admis. J'y entrais parce que mon père était appelé de temps en temps pour faire des travaux et que je l'accompagnais. Plus tard, devenu maçon moi-même, j'y étais appelé aussi.
J'ai dû pénétrer une ou deux fois dans le salon et dans la salle à manger.
Dans le salon le parquet dessinait des V. Mon père refaisait les plâtres du plafond. Il repeignait les lambris d'appui au blanc de céruse. Au-dessus des lambris, je me rappelle que les murs étaint tapissés de tissu. Des fauteuils anciens étaient eux-aussi blancs (leur bois). Ce salon était vitré et regardait le perron et le parc.
Au fond du salon, une porte ouvrait sur un couloir où un escalier de pierre décoré de tableaux montait au premier étage. Un des tableaux représentait le Comte en pied portant sa canne. Des bustes blancs étaient posés sur des consoles bordées de velours rouge.
La porte du couloire donnait sur une salle à manger. Les meubles et les boiseries y étaient peut-être en acajou car j'ai gardé de cette pièce une impression de grenat. Au milieu de la salle se trouvait une grande table rectangulaire où mangeait le Comte. Les 2 fenêtres de la salle à manger regardaient le parc et un petit bassin rond avec une statue d'enfant.
A l'autre bout, la salle donnait sur un couloir et une cuisine.
Cette partie était plus basse. On descendait deux marches. La porte de la cuisine était grosse et lourde. La cuisine comportait une grande table rectangulaire, un grand fourneau, une grande pierre d'évier munie d'une pompe et une grande cheminée contre laquelle toutes les casserolles étaient exposées. La tradition rapporte que cette partie du château, plus ancienne, étaient autrefois une folie et que ces Messieurs tenaient leurs repas autour de cette table.
Au premier étage, il y avait des pièces en enfilade.
La Contesse Rosabla avait sa chambre au-dessus du salon vitré. Elle dormait dans un lit à baldaquin.
Le deuxième étage était constitué de petites chambres de bonnes.
Au-dessus, enfin, se trouvaient les combles. J'y montais avec mon père pour réparer les toits ou pour ramoner les cheminées. Ces greniers, bas, ne contenaient pas un bric-à-brac comme on pourrait l'imaginer dans un vieux château.
Le personnel se composait de Mme Clairmontel, cuisinière, de son fils Gustave, de Lucien Boiget, tous deux valets, et de Mlle Fonchette, lingère.
Les valets portaient la livrée, veste noire et petit tablier blanc, comme les garçons de café. Ils faisaient le ménage, servaient à table, ciraient les bottes du Comte portait des bottes vernies toujours impecables.
Quelquefois, Gustave Clairmontel et Lucien Boiget venaient prendre l'apéritif au café du centre .
Tous ces gens habitaient au château. La cuisinière avait sa chambre à côté de la cuisine. Les autres dormaient au deuxième étage.
Ils mangeaient dans la cuisine autour de la grande table.
Depuis le salon vitré, on voyait l'horloge et les serres.
L'horloge- on disait un horloge – était une tour haute de 7 métre surmontée d'une galerie. Une galerie. Une échelle intérieure y montait. On remontait le mécanisme une fois par semaine. On entendait l'horloge sonner les heures jusque dans le village ( N.B. : l'église du village ne sonnait que l'Angélus, trois fois par jour).
A côté de l'horloge se trouvaient les serres. Elles étaient un peu enterrées. Des semis trésissaient dans les caisses sur les tables.
Une orangerie jouxtait les serres. Les orangers passaient là l'hiver, dans leurs caisses. En été, on les disposait autour du château.
Les serres et l'orangerie étaient chauffées par un gros fourneau. Des tuyaux partaient du fourneau et passaient sous les caisses des semis pour les chaufer.
Les travaux nous conduisaient aussi dans la cave. Elle était voûtée. Le château était chauffé par un chauffage central équipé non pas de radiateurs mais de conduits d'air chaud qui passaient dans les murs.
Le Comte n'avait ni voiture ni cheval. Quand il avait besoin d'aller à Dijon, il faisait venir une voiture de place. Dans les écuries, il y avait une chaise à porteurs.
Dans le parc s'etendait une grande pièce d'eau. Elle était peuplée de carpes et comprtait une île. On pouvait aller sur l'île en empruntant une barque et quitter l'île en empruntant une passerelle. L'eau de cette pièce venait d'une source située près de la Rente de Bray grâce à une conduite souterraine qui suivait la ligne de chemin de fer. Mon père et moi devions déboucher de temps en temps cette conduite où des racines s'infiltraient.
Non loin de la pièce d'eau, une allée de grands platanes menait à la glacière. Celle-ci était enterrée dans le sol très pentu, en contrebas de la route nationale.
La pièce d'eau, gelée en hiver, fournissait la glace.
Celle-ci se conservait dans la glacière en été. On decendait dans le trou rempli de glace les bouteilles à rafraîchir.
Je n'ai pas connu la comtesse épouse du Comte.
J'ai connu seulement le fils et son épouse, Rosalba. Plus tard, le fils de Rosalba vécurent séparés. Le fils vivait à Paris. Rosalba restait à Neuilly avec le vieux Comte.
Rosalba se promenait dans le pac. Le Comte lui-aussi aimait son parc. Il s'y promenait coiffé d'un feutre. Rosalba portait la mode de l'époque ; le chapeau et l'ombrelle.
Que pouvaient-ils voir dans le parc ? Une vaste pelouse, des cèdres, beaucoup d 'écureuils, sur un côté une rocaille formait une grotte.
Au fond du parc, deux lions de pierre, hauts de 1mètre, séparés de 10 mètres, regardaient en direction de Crimolois. Mais ils ne pouvaient rien voir car, devant eux, le sol s'élevait en terrasse. Le parc, clos de murs de toutes parts, était fermé ici par une grille. Par la grille apparaissaient la campagne et Crimolois au loin.
L'angle gauche faisait aussi terrasse. Là sous des platanes, on pouvait s'asseoir sur un banc de pierre. La Comtesse y prenait le thé avec ses amies.
N.B. La tradition rapporte que les 2 lions encadraient dans le temps une scène de théâtre de verdure. On aurait donné là des représentations. Les spectateurs se tenaient assis sur le sol qui s'élevait pour former la terasse.
Article extrait du livre "A Neuilly-lès-Dijon en 1900" de Fernand Caillot et Michel Manca.

L'église - L'abbé Gataut


Jusqu'en 1970, l'église était entourée du cimetière.
En 1970, au moment où on a démoli le château et entrepris le lotissement, on a déplacé le cimetière en dehors du village. Courtépée dans sa Description du Duché de bourgone parle d'une colonne surmontée d'un globe de cuivre. Cette colonne existe toujours et n'a pas changé de place ; mais son inscription est désormais illisible.
A l'intérieur du cimetière, avant 1970, on voyait une petite concession à part, entourée d'un mur. C'était la tombe de François Muteau mort en 1834. En 1805 il avait acheté le château et le domaine aux Fyot de Lamarche. Son fils Etienne-François Muteau devint un homme politique important de la Côte-d'Or.

L'abbé Gataut

Il habitait le presbytère avec sa mère et sa soeur. Au presytère attenaient quelques petis bâtiments et grand verger où Mme Gataut-mère récoltait des prunes qu'elle faisait sécher au four et qu'elle nous distribuait pendant le catéchisme car c'est elle qui faisait le cathéchisme.
Le curé de Neuilly était aussi curé de Sennecey et de Crimolois. Il portait, comme les prêtres de cette époque, la soutane et le chapeau plat à larges bords.
Il avait une forte personnalité. Il pêchait, il chassait, il prisait. Il sentait fort le tabac.
L'église avait un chantre et un marguillier.
Le chantre était le père Mathieu. Il avait sa place dans le choeur sur le côté. Il dirigeait les chants en latin. Il marchait avec une jambe de bois (un pilon), car il avait eu un accident lors de la construction du fort de Sennecey dans les années 1870-1880. Un wagonnet lui était tombé sur la jambe.
Le marguillier était le père Denis. Il entretenait l'église et sonnait les cloches, il coupait le pain béni et le distribuait pendant la messe.

L'église

Le choeur était séparé de la nef par une grille basse en fer forgé. Autour du choeur se répartissaient des stalles où des hommes se tenaient pendant la messe.
D'un côté, à gauche, était la chapelle du Comte, fermée par une grille et où on ne pouvait pas entrer. Le dimanche, le Comte et Rosalba y apparaissaient en grande tenue.
De l'autre côté était la chapelle de la Vierge dite encore chapelle des jeunes filles où les demoiselles s'installaient pendant la messe. C'est dans cette chapelle que se trouvait le confessionnal.
Des vitraux du XIXème siècle éclairaient le choeur. Ils furent endommagés en 1944 quand sauta le dépôt de munitions des Allemandes à la Base.
Dans la nef, à droite, quatre ou cinq marches menaient à la chaire appuyée contre un pilier.Si je me souviens bien, elle était blanche et son bord couvert d'un velous rouge.
Du plafond descendait un gros lustre à pandeloques que ne n'ai jamais vu clairer.
Il n'y avait pas de chauffage. Plus tard, c'est moi qui ai construit la cheminée de l'église sur le toit. Un gros poêle Godin placé au milieur de la nef brûlait du bois ou du charbon.

La Françoise

Elle s'occupait aussi des affaires de l'église. Elle avait quitté les ordres. Elle s'était mariée avec Nicolardot de Neuilly. Puis Nicolardot est mort. Elle entretenait l'église et sonnait les cloches en alternance avec le père Denis. Elle portait toujours un grand jupon serré de deux cordons cousus l'un à la taille, l'autre sous les fesses : je ne sais pas ce que cela voulait dire.
Elle habitait une maison attenante au château et qui a aujourd'hui, disparu. Au-dessus de sa porte d'entrée, dans une niche, une petite statue du Christ portait toujours un rameau de buis.
Le comte logeait peut-être gratuitement le père Mathieu et la Françoise en échange de ce qu'ils faisaient à l'église.

La Chapelle du Comte

Les châtelains possédaient la clef d'une porte qui mettait en communication le parc et la chapelle privée. Il est à remarquer, à ce sujet, que l'église était à la limite du parc et que la chapelle du Comte, à la différence du reste de l'église, était dans le parc.
Du côté du parc, l'accès de la chapelle du Comte était bordé de deux rangs de buis. La porte de la chapelle était surmontée d'une marquise en bois sculpté bleu avec une croix dorée.

Le pain béni

Chaque famille donnait tour à tour le dimanche unc couronne de pain. Je remplaçais parfois le père Denis pour couper et distribuer le pain béni. Pendant l'office, je parcourais l'assitance en tendant le pain dans une petite nappe.
La couronne n'était jamais totalement coupée. Il restait toujours un « chanteau » qu'on donnait à la famille qui apportait le pain le dimanche suivant.
Ainsi était formée une chaîne. La tradition s'est perdue dans les années 1950.
Le Comte prenait un morceau de pain comme les autres. Quand c'était son tour, il apportait non pas une couronne mais une brioche.

Les processions

Une procession avait lieu en été par temps chaud et ensoleillé. Ce devait être la procession de la Fête-Dieu.
En tête deux jeunes filles portaient une bannière, accompagnées chacune d'une jeune fille tenant le cordon. Derrière, deux autres jeunes filles portaient des oriflammes. Puis venait l'abbé Gataut. Il marchait sous un dais porté par quatre porteurs. Suivaient les enfants de choeur et la foule des fidèles. Dans le village était installé un reposoir, tantôt près de l'école, tantôt près de l'actuelle pharmacie, tantôt à l'angle de l'Allée de Marronniers et de la rue des Montots, parfois dans le parc du château... la procession s'arrêtait et repartait.
Une autre procession, dite les Rogations, faisait le tour des croix du village. Le prêtre ne marchait pas sous un dais. Il était en tête, précédé de deux enfants de choeur. Il bénissait les croix : la croix du choléra, une croix en bois sur le chemin de la gare...il bénissait les champs.
A la Saint Victor (le patron de Neuilly) on portait solennellement en procession chez un jeune homme de la paroisse la statue de Saint Victor. Il la conservait pendant un an. L'année suivant, on transportait la statue chez un autre jeune homme.
Le 15 août, la statue de la Vierge était, de la même manière, transportée chez une jeune fille.
Ces deux statues restent maintenant à l'église, en permanence.

Nom de baptême

C'est l'abbé Gataut qui m'a baptisé. C'est avec lui que j'ai fait ma Confirmation et ma Première Communion.
A propos de mon baptême, il faut noter que mon vrai prénom est Louis-Fernand. Ma mère avait choisi ce prénom pour faire plaisir à son frère Louis. Mais finalement, elle préférait Fernand et ce nom a prévalu.




L'église vue depuis le parc, 1970. A gauche, la chapelle du Comte.



Article extrait du livre " A Neuilly lès Dijon en 1900", de Fernand Caillot et Michel Manca


L'école de Neuilly

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L'école - Le 14 Juillet
L'école
J'ai fréquenté l'école jusqu'à l'âge de 12 ans, Mes maîtres s'appelèrent successivement : Picard, Pierre et Gourrie.
M. Picard
était poitrinaire. Quand il avait plu, il allait hors du village ramasser des limaces sur les chemins. Il les mangeait. C'était une médecine. Parfois, quand il était trop souffrant, sa fille Fernande, àgée de 16 ans ou son fils (20 ans) le remplaçait.
C'est Fernande qui nous gardait en retenue après quatre heures, le soir. L'élève retenu balayait la classe et rentrait le bois pour le lendemain.
Fernande était une jolie brunette. Nous nous serions fait punir pour rester avec elle.
Le sol de la classe était en parquet. Un poêle se dressait au milieu de la pièce. Autour de la salle, des porte-manteaux et des cartes de géographie étaient accrochés aux murs.
Les enfants portaient une blouse noire, une ceinture en cuir, des galoches à semelles de bois, un cartable en bandoulière et un béret. La classe comptait 10 à 15 élèves, garçons et filles, tous niveaux confondus, du cours préparatoire au certificat d'études.
Les heures de classe allaient de 8 h à 11 h et à 13 h à 16 h. A 8 heures et à 13 heures le maître tirait la chaîne de la cloche, dehors. Nous n'entrions pas avant qu'il eût sonné.
Chaque élève était de semaine tour à tour, c'est-àdire que chacun pendant une semaine balayait la classe, allumait le feu le matin. Le bois de chauffage était fourni par la commune tout comme les fournitures scolaires.
Une armoire de la classe contenait du matériel pédagogique : une balance, des pierres de géologie, une lanterne magique.
Deux fois par semaine, l'instituteur donnait des cours de perfectionnement pour les adultes. Y venaient surtout les hommes jeunes. Ils faisaient des dictées, des problèmes. L'instituteur passait des vues avec la lanterne. Je ne me souviens pas de ce qu'elles montraient.

Le 14 Juillet
L'année scolaire prenait fin le 14 juillet. Ce jour était aussi le jour de la distribution des prix, et, bien entendu, de la fête Nationale.
Le maire accrochait un drapeau à la mairie.
Point de cérémonie au monument aux morts puisque celui-ci n'existait pas.
Le défilé des Allées du parc à Dijon avait lieu comme aujourd'hui. En 1906, j'étais allé le regarder avec mes parents. L'armée que nous avons vue alors était très différente de ce qu'on peut voir en 1995. D'abord les soldats s'étaient regroupés devant le parc, au bas de l'avenue, puis ils avaient remonté celle-ci tour-à-tour : d'abord la cavalerie -dragons et cuirassiers - avec cuirasses et casques à crinière ; puis l'artillerie - chaque canon et son caisson tirés par un attelage de quatre chevaux ; un soldat chevauchait l'un des deux chevaux de tête et portait un fanion au bout d'une lance - les soldats du 27ème Régiment d'Infanterie venaient ensuite portant le képi, le pantalon de garance, le fusil Lebel et le sac-au-dos,etc.
Le tantôt du 14 juillet, avait lieu, à Neuilly, la distribution des prix. Elle se déroulaitdans la cour de l'école. Le maire, ceint de son écharpe bleu-blanc-rouge et l'instituteur distribuaient les prix devant les parents assemblés.
A 16 heures, après la distribution des prix, les femmes participaient à une loterie. Elle tiraient au sort des billets et gagnaient des bols et des assiettes.
Cette vaisselle venait de Longchamp. Le maire ou un conseiller municipal l'avait achetée quand la faïencerie faisait des soldes.
Après avoir reçu leur lot, les femmes rentraient chez elles.
Après la distribution des prix, les hommes, eux, étaient allés s'asseoir autour d'une table sur la place de la Liberté (près du peuplier). Ils cassaient la croûte. Un conseiller municipal apportait un tonneau de vin sur une brouette, le déposait en bout de table.
C'est le maire qui offrait à boire.
Un drapeau tricolore avait été fixé au sommet du peuplier. Celui qui réussissait à le décrocher gagnait 100 sous.
Plus tard, cet arbre devenu vieux et creux, était devenu dangereux. On en planta un autre à sa place.
Je me rappelle que pour le faire raciner, on versa un sac d'avoine dans le trou.

Le 14 Juillet, nous jouions à un autre jeu.
Nous tendions des cordes entre les platanes et les sycomores de la place. Nous y pendions des cruches remplies d'eau. Avec un bâton, les joueurs essayaient de vider les cruches sans recevoir l'eau sur la tête.
Puis venait le soir.
Devant notre café, mon père montait son parquet.
Il installait des bancs, accrochait des lampes à pétrole au-dessus de la piste de danse.
C'est plutôt la jeunesse qui venait danser. Elle buvait de la limonade et de la bière. Quelques vieux venaient boire un coup. Mon père jouait du cornet à piston, accompagné à la clarinette par le père Marchand.
Le Comte et l'abbé Gataut ne venaient jamais à la fête.

Article extrait du livre «A Neuilly-lès-Dijon en 1900» de Fernand Caillot et Michel Manca

LE CAFE DU CENTRE




CAFE DU CENTRE




Au début de ce siècle, Neuilly ne comptait pas moins de quatres cafés : Café de la gare, Café du pont, Café de la place, et enfin Café du centre où je suis né en 1895.
Avant d'être le Café du centre, les bâtiments du Café étaient la petite ferme de l'Eugène Perreaux.
Mes parents les louaient et les avaient transformés en café et habitation (d1 salle e café,1 cuisine, 2 chambres, des hébergeages) --- Eugène Perreaux était parti s'établir comme agriculteur à Quetigny.
Ma mère tenait le café et mon père était maçon. Nous tenions aussi un petit dépôt de pain, pain d'un boulanger dijonnais du quartier Condorcet que nous apportait, chaque matin, en revenant de sa tournée, le laitier M.Grivelet.
Mes parents tinrent ce café jusque dans les années 1920.La salle de café comportait deux fenêtres qui donnaient l'une sur la cour, l'autre sur la rue. La troisième fenêtre avait été transformée en placard.
Le sol était couvert de tommettes. Les murs étaient tapissés de papiers à fleurs et décorés de deux cadres, représentant peut-être des fleurs ou une tête de gosse.
Les verres et les bouteilles de vin, liqueurs,apéritifs...étaient rangées dans un placard.
Une lampe à pétrole semblade à une lampe à suspension, mais fixe, pendait au plafond (lequel était en plâtre) .
Pas de comptoir. Au milieu de la pièce, un poêle à charbon émaillé, carré. IL en partait un tuyau noir qui rejoignait un conduit de cheminée mais il n'y avait plus d'âtre dans la pièce.
Les consommateurs s'asseyaient autour des petites tables ou à une grande table, cette dernière servant aussi pour des banquets.
Sur les tables, pas de toile cirée mais des cendriers et le « Bien du Peuple », journal du Chanoine Belorgey qui sera plus tard le journal du Chanoine Kir.
Au fond de la salle se trouvait un billard anglais, oeuvre de mon oncle qui était charron aux Mureaux près de Paris. Il avait fait son apprentissage à Dijon.
Après son tour de France, il s'était établi aux Mureaux. Il l'avait fait venir de là-bas.
Nous avions aussi un phonographe à grand pavillon. Il ne jouait pas fort. Sur la boîte, le chien de Marconi écoutait la voix de son maître.
Ma mère lavait les tables avec une éponge naturelle et un chiffon. Elle rinçait les verres au « lavier » avec une « drille à échauder ». Elle tirait l'eau dehors, à la pompe.
Par beau temps, nous sortions le jeu rond. C'était un petit circuit avec en son milieu 9 quillettes en bois. Les joueurs lançaient la boule qui en descendant devait en faire tomber le plus grand nombre.
Nous avions aussi un jeu de quilles.
Un autre de mes oncles était cuisinier sur un bateau. Il me ramena de Madagascar un macaque.
Pour empêcher le singe de se sauver, on l'attachait à une corde qui le retenait à la ceinture. Cette corde était longue. Il pouvait se promener. Il se perchait sur le champ de la porte d'entrée.
Un jour que notre voisine, Edith Cornemillot, âgée de 7 ans, nous apportait du lait et des oeufs, le singe lui a sauté sur les épaules. Elle lâcha le panier. Tout est tombé par terre.
Dans le village voisin, Sennecey, se trouvait un fort que gardaient en permanence deux compagnies du 10 ème d'Infanterie.
Ces soldats faisaient presque partie de Neuilly. Une fois par semaine, ils descendaient à l'Ouche pour laver leur linge. Le soir, Comme Sennecey n'avait pas de café, ils venaient à Neuilly. Ils avaient la permission de 17 h à 21h.
Chez nous, ils fumaient, ils buvaient une chopine à 5 sous le litre. Ils étaient nombreux. Ceux qui avaient de l'argent commandaient une omelette. Nous mettions une feuillette de vin en perce le soir;
le lendemain elle était bue!
Les soldats comptaient les jours. Ils taillaient des quilles en bois et les accrochaient à leur veste (mais les ôtaient avant d'entrer au fort). Ils « cassaient la patte au 100 ». Cela donnait lieu à des arrosages.
Tous les matins, il en venait quatre pour chercher de l'eau. En effet, le fort n'avait pas l'eau.
Ils venaient avec tonne en tôle montée sur un chassis tiré par un cheval.
D'ou venait le cheval ? Sans doute de Dijon car le fort n'avait pas de chevaux. C'était un cheval de cavalerie.
Autour de la pompe les soldats en treillis blanc et coiffés d'un calot s'affairaient. Ils appuyaient sur la pompe. Ils remplissaient des outres, se haussaient pour les vider dans le trou de la tonne. Ils avaient du mal. L'eau se répandait. Cet endroit du trottoir en était devenu impraticable. Ils avaient beau le renforcer avec des pierres, il était toujours « gaugé ».
Quand la tonne était pleine enfin, ils mettaient en branle l'attelage. Pour aider le cheval à monter l'allée des Marronniers, ils attelaient devant les brancards un deuxième cheval. De nouvelles difficultés apparaissaient car les chevaux n'étaient pas faits pour la traction. Ils ruaient, cassaient la voiture et finalement s'emballaient, laissant la tonne et les débris de la voiture par terre.
Un liquoriste dijonnais nous livrait une fois par semaine en liqueur, limonade, sirop et bière.
Il livrait la bière en fûts de 40 litres. Nous descendions les fûts dans la cave. Nous les roulions un à un , marche par marche, à deux, celui placé en haut retenant le fût par une corde. Nous mettions le fût en perce comme un tonneau de vin et nous remplissions des bouteilles de 75 cl. Il fallait faire bouillir les bouchons, boucher les bouteilles et les coucher. Huit jours plus tard, nous les relevions. Elles étaient bonnes à boire. Il fallait les boire dans les 15 jours. Quand elles étaient bues, nous les lavions et le cycle recommençait.
Les soldats ne buvaient pas de bière, mais seulement du vin. C'est plutôt les paysans qui en buvaient, essentiellement en été, pour se rafraichir.
Nous allions plusieurs fois par an avec mon père chercher le vin chez un vigneron de Chenôve, M.Gallois.
M.Lévêque, un voisin, nous prêtait son cheval et son chariot. Nous remontions un dizaine de feuillettes de la cave, que nous attachions sur le chariot.
Nous partions le matin. Nous passions par la Rente de Bray, nous traversions Longvic, et nous ressortions du village de l'autre côté par le pont du canal. Nous allions ensuite à travers champs.
Monsieur Gallois restait dans la rue principale de Chenôve, près de l'église, rue remarquable par ses puits profonds.
Mme Gallois était de Sennecey. Voilà sans doute pourquoi mes parents achetait le vin chez eux. C'était des relations.
M.Gallois nous faisait d'abord taster son vin. Il savait le rendre bon en posant sur la table des noix, du fromage et du pain que nous mangions pendant la dégustation. Nous remplissions ensuite les dix feuillettes de 118 litre de vin rouge et nous les chargions sur le chariot. Cela prenait le matin et le tantôt.
A midi, entre-temps, nous mangions chez M.Gallois.
En 1910 j'avais 15 ans, je courtissait la fille de M.Gallois...
Nous rentrions en fin de tantôt.
Entre Chenôve et Dijon, ce n'était que des vignes. Les vignerons avaient construit , là, des cabanes en bois ou en pierre dans lesquelles il rangeaient leurs outils et se mettaient à la cale quand il pleuvait.
À des chéneaux, ils récupéraient l'eau de pluie qui tombait sur le toit et la stockaient dans des citernes. Cette eau leur servait à injecter la vigne sans qu'ils aient à apporter l'eau depuis le village.
Plus tard le fils de M. Gallois fit son service militaire à Sennecey. Le service militaire durait alors 3 ans. Il obtint le grade de sergent. Il venait au Café du Centre, amenait des clients, commandait une omelette. Pendant la Guerre de 14, il devint lieutenent.
Après la guerre, il se maria avec une fille Changeney de Chenôve.
Le Café du Centre était un café tranquille. Les clients s'asseyaient, buvaient, jouaient aux cartes.
Quelquefois un client chantait le Toréador ou autre chose.
J'y ai vu Gaston Gérard et Hébert en campagne électorale. Ils étaient venus s'adresser aux consommateurs.
Neuilly-lès- Dijon : le café du Centre. A gauche, le jeu rond.
Fernand Caillot à moitié caché par l'arbuste à gauche (béret).
A côté de l'arbuste de droite, portant casquette, Alphonse Aillet dit lePhonse. Au milieu, Mme Caillot, mère de Fernand.
Au fond, en uniforme, M. Caillot père. A gauche, servant à boire, une tante de Fernand Caillot.

Article extrait du livre " A Neuilly-lès-Dijon en 1900 " de Fernand Caillot et Michel Manca